Thich Nhat Hanh, Voir en pleine conscience, Pocket, 2021
p.20 : Chance ou malchance ?
Un jour, en se rendant aux champs, un fermier constata que son cheval s’était enfui. Les habitants du village s’exclamèrent : « Ho quelle malchance ! » Le lendemain, le cheval revient accompagné de deux autres chevaux, et les villageois s’écrièrent : « Ho quelle chance ! » Quelques temps plus tard le fils du fermier fut désarçonné par l’un des chevaux et se cassa la jambe. Les villageois exprimèrent leur soutien au fermier : « Quel malheur ! » Mais peu après, une guerre éclata et tous les jeunes hommes du village furent enrôlés, sauf le fils du fermier, en raison de sa jambe cassée. Alors les villageois déclarèrent que cette jambe cassée était vraiment : « une aubaine ! »
Comme le montre ce récit séculaire, il est impossible de qualifier une situation d’heureuse ou de malheureuse, de bonne ou de mauvaise. Pour connaître le véritable impact d’un évènement, il faudrait pouvoir voyager dans l’espace et dans le temps. Chaque réussite est faite de difficultés, et chaque échec contribue à une plus grande sagesse ou à une réussite future. Chaque évènement est à la fois heureux et malheureux. Les concepts de chance et de malchance, de bien et de mal, n’existent que dans nos perceptions.
p.32 : Je viens du Centre
Lors d’un rassemblement pour la paix à Philadelphie, en 1966, un journaliste m’a demandé : « Venez-vous du sud ou du nord du Vietnam ? » Si j’avais j’avais répondu que je venais du Nord, il m’aurait considéré comme un pro-communiste, et si j’avais dit que je venais du Sud, il l’aurait pris pour un pro-Américain. C’est pourquoi j’ai déclaré : « Je viens du centre ! » Je voulais l’aider à lâcher prise de ses notions, de ses perceptions, pour qu’il vienne à la rencontre de la réalité qui était juste devant lui. Tel est le langage du Zen.
p.80 : La sagesse de la non-discrimination
Lorsque émerge une compréhension plus profonde de la nature non-duelle de toute chose, on l’appelle la sagesse de la non-discrimination. C’est un regard posé sur le monde qui transcende les concepts. La science classique est fondée sur la croyance en une réalité objective qui existerait indépendamment de l’esprit. Dans le Bouddhisme, au contraire, on reconnaît qu’il y a l’esprit et les objets de l’esprit, et qu’ils se manifestent en même temps ; il est impossible de les séparer. En physique quantique, les scientifiques ont commencé à voir que leur esprit affecte la particule qu’ils observent et qu’il est présent en permanence dans cette particule. Les objets de l’esprit sont créés par l’esprit lui-même. Notre façon de percevoir le monde qui nous entoure dépend complètement de notre façon de le regarder.
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