Khalil Gibran, Le prophète, 1956, Casterman (éd. 1976), traduction Camille Aboussouam.
p.15
L’amour ne donne que de lui-même et ne prend que de lui-même.
L’amour ne possède pas, et ne veut pas être possédé ;
Car l’amour suffit à l’amour.
p.18
Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux, mais demeurez chacun seul.
De même que les cordes d’un luth sont seules cependant qu’elles vibrent de la même harmonie.
p.30
Votre joie est votre tristesse sans masque.
Et le même puits d’où fuse votre rire fut souvent rempli de vos larmes.
Et comment en serait-il autrement ?
Plus profondément le chagrin creusera votre être, plus vous pourrez contenir de joie.
La coupe qui contient votre vin n’est-elle pas la même coupe qui fut cuite dans le four du potier ?
Et le luth qui caresse votre âme, n’est-il pas le même bois qui fut évidé au couteau ?
Lorsque vous êtres joyeux, regardez profondément en votre cœur et vous trouverez que ce qui vous apporte de la joie n’est autre que ce qui vous a donné de la tristesse.
Lorsque vous êtes tristes, regardez à nouveau en votre cœur, et vous verrez qu’en vérité vous pleurez pour ce qui fut votre délice.
p.41
Vous ne pouvez séparer le juste de l’injuste et le bon du méchant ;
Car ils se tiennent tous deux devant la face du soleil comme les fils noir et blanc sont tissés ensemble.
Et quand le fil noir vient à se rompre, le tisserand vérifie tout le tissu, et il examine aussi le métier.
p.49
En vérité, toutes choses se meuvent en votre être intime dans une constante semi-étreinte, celles que vous désirez et celles que vous redoutez, celles qui vous répugnent et celles que vous chérissez, celles que vous poursuivez et celles que vous voulez fuir.
Ces choses se meuvent en vous comme des lumières et des ombres par couples étroitement unis.
Et quand l’ombre s’affaiblit et disparaît, la lumière qui s’attarde devient l’ombre d’une autre lumière.
Et ainsi votre liberté, lorsqu’elle perd ses entraves devient elle-même l’entrave d’une plus grande liberté.
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